16/05/2013 RFI – Oscar Rashidi sur RFI: «la corruption gangrène tous les secteurs économiques de la RDC»

RFI : Est-ce que la corruption avance ou recule dans
votre pays ?

Oscar Rshidi : La
corruption ne fait qu’avancer. Il n’y a jamais eu de recul parce qu'elle gangrène
tous les secteurs économiques de la République démocratique du Congo.

 

L’un des fléaux de votre pays, c’est le racket des chefs de
bureaux sur le salaire des petits fonctionnaires, même chose dans l’armée. Avec
la bancarisation de la paie des fonctionnaires, qui vient d’être décidée par le
Premier ministre Matata Ponyo, est-ce que ce fléau ne va pas disparaître ?

 

Je crois que la bancarisation est une bonne chose. Mais
nous voyons que cet argent est en train d’être encore détourné par d’autres
autorités, au lieu qu'il serve à l’amélioration des conditions de vie des
fonctionnaires, qui touchent aujourd’hui 40 dollars, 50 dollars !

 

Oui, mais avant cette bancarisation, quand le fonctionnaire
devait avoir 40, il ne touchait peut-être que 30. Alors que maintenant, il
touche réellement 40, non ?

 

Mais il y a les frais de tenue des comptes. Et il y a la
corruption là-bas. Il y a même eu une manifestation, où les fonctionnaires
dénonçaient qu’ils ne touchaient pas réellement leur argent. Et le vice-Premier
ministre du Budget était passé, pour dire que l’argent piqué dans leurs comptes
serait remboursé. Même dans les banques, la corruption, on la voit à ciel
ouvert !

 

Autre secteur gangrené, le chemin de fer congolais. La Banque mondiale a débloqué
quelque 218 millions de dollars pour la
SNCC, la
Société nationale des chemins de fer du Congo. Est-ce qu’on
sait où est passé l’argent ?

 

L’argent s’est volatilisé. Je suis syndicaliste à la SNCC, mais jusqu’à
aujourd’hui, on n’a acheté aucune locomotive, aucune voiture à voyageurs, aucun
wagon ! Même pas un mètre de chemin de fer n’a été réhabilité ! Au moment où
les agents de la SNCC
souffrent, ils ne touchent pas leur salaire ! Les agents font cinq mois pour
avoir un salaire. (…) A la SNCC,
il y a un taux de mortalité élevé au niveau des agents, et au niveau de leurs
familles, il y a des divorces en cascades !

 

Et pourquoi y a-t-il des divorces ?

 

Mais lorsque le mari n’est plus en mesure de nourrir sa
femme, de vêtir sa femme, au moment où la famille n’est plus en mesure de vivre
décemment, il doit y avoir le divorce ! Pourquoi ? Parce que tout mariage,
c’est un mariage d’intérêt ! Une femme va rester à la maison sans manger ? Elle
va se prostituer. Et lorsqu’elle se prostitue, soit, c’est le mari qui déclare
le divorce, soit c’est la femme qui va décider de s’en aller !

 

Le point noir dans votre pays, c’est le secteur minier.
Pour échapper à l’impôt, les compagnies sous-évaluent leurs concessions et les
revendent à des sociétés de complaisance basées dans des paradis fiscaux. En
cinq transactions de ce type, l’Etat congolais a perdu 1,4 milliard de dollars,
vient de calculer l’Africa Progress Panel de Kofi Annan. Est-ce qu’il y a une
parade contre ce fléau ?

 

Les secteurs miniers sont dans les mains des Libanais, des Indiens
et des Chinois. C’est une sonnette d’alarme sur laquelle je suis en train
d’appuyer, pour que le président de la République Joseph
Kabila soit informé que les responsables qui sont autour de lui, s’organisent
pour piller systématiquement la
République démocratique du Congo.

 

Mais croyez-vous que le chef de l’Etat est naïf, au point
de se laisser tromper ? Ne préfère-t-il pas fermer les yeux ?

 

Mais tous ces prédateurs qui sont autour de lui sont en
train de voler ! Mais que va faire le chef de l’Etat ? Il est au courant de la
situation ! Il est question de prendre des mesures draconiennes pour pouvoir
mettre fin à ça ! Mais malheureusement l’impunité caractérise notre système.

 

Il y a six mois, le FMI a rompu avec le Congo, à cause du
manque de transparence, justement, dans les transactions minières. Est-ce que
cette rupture peut provoquer un sursaut dans votre pays ?

 

Mais bien sûr ! Le problème, c’est lequel ? C’est la
traçabilité ! La transparence dans les contrats. La signature ? On peut signer quelque chose, mais ce qu’on
fait c’est autre chose. Il n’y a pas de transparence. Je crois que la position
du Fonds monétaire international peut pousser le gouvernement à ce qu'il y ait
plus de transparence.

 

A Kinshasa, les élus sont gourmands. Au début de cette
année, les députés ont réclamé une grosse augmentation de leurs revenus, pour
passer de 9 000 à 14 000 dollars par mois, et le Premier ministre a fait la
sourde oreille. Du coup, ils l’ont menacé d’une motion de censure. Matata Ponyo
a tenu bon. Il n’a pas cédé. Est-ce que c’est un signe positif pour l’avenir ?

 

Mais les députés, on les connaît. Tous les jours, ils sont
impliqués dans la corruption. Comment voulez-vous qu’un député puisse demander
14 000 dollars, pendant qu’un fonctionnaire touche 40 dollars ?

 

Pensez-vous, comme certains, que le vote d’un député ou
d’un sénateur congolais peut s’acheter ?

 

Le vote s’achète ici. Au Congo, il y a eu beaucoup de
précédents ! La fois passée, quand on avait procédé à cette révision
constitutionnelle pour des élections à un seul tour. Et même lors du départ de
l’ancien président du Parlement Vital Kamerhe, on sait qu’il y avait de
l’argent qui avait circulé au Parlement.

Donc nous insistons sur le fait que la révision
constitutionnelle ne peut se faire qu’au niveau du referendum. Pas au niveau du
Parlement. Si on ose par exemple revoir le mandat du président de la République qui était
limité à 2, pour dire que non, le mandat du président de la République peut aller à
3 ou 4, là, on aura la colère de la population.

 

La prochaine élection présidentielle est prévue en 2016.
Pour l’instant, Joseph Kabila n’a pas le droit de s’y présenter. Que
pensez-vous du projet éventuel de révision de la Constitution ?

 

Mais s’ils le font, ils auront la
colère de la population ! Changer la Constitution sans pour autant aller au
référendum, ce sera une catastrophe, parce que la population n’acceptera pas !
Pourquoi ? Parce que la
Constitution, c’est quelque chose qui a été votée au niveau
de la population, au niveau référendaire. Donc, s’il y a modification, on doit
soumettre d’abord ça à la sanction populaire. S’il y a révision
constitutionnelle, au niveau du Parlement, les parlementaires qui oseraient
faire ça ne seront plus réélus dans leurs fiefs électoraux

 

 

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