15.08.07 Zaïko Langa Langa : Shango signe la chanson coup de cœur de l’album « RencontreS » par Botowamungu Kalome (AEM)

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La chanson «  Maloba na yo  », traduisez « Ton serment d’amour », met en exergue l’intelligence et le génie de son auteur Shango à reposer tout le message sur à peine trois phrases, trois phrases pas plus. Dans un indicible chagrin d’amour, une femme rappelle à Freddy Mwelwa son serment « Je ne ferai jamais du mal à une femme » pour « cet amour qui s’est volatilisé » et se demande « Qu’est ce qui nous arrive là ! », phrase poignante maintes fois entendue dans les veillées mortuaires dans la bouche de femmes éplorées, inconsolables. En lingala dans les textes, la femme délaissée dit exactement ceci : « Bolingo ekeyi lokola mopepe / Yo olobaki konyokala mwasi okokoka te / Oyo likambo nini’ ango ? ».

L’on redécouvre alors que ce n’est pas en multipliant les mots et en rallongeant les phrases qu’un texte est plus compréhensible, qu’un message est porteur. Et dans la musique, Shango nous permet de nous en rappeler : la composition et l’interprétation sont censées apporter un supplément d’âme au texte ou en relever l’intensité dramatique. Y parvenir c’est généralement réussir la gageure de faire adopter un langage commun à des talents et ego pas toujours humbles et conciliants. Zaïko Langa Langa s’est ainsi mis au diapason du texte de la chanson et ça donne un chant et une musique en phase, et qui parlent même à ceux qui ne comprennent pas le lingala et qui subodorent le drame sentimental au cœur de la chanson.

La lumière enfin sur le discret Shango Landu

Shango Landu Kiangala joue au sein de Zaïko Langa Langa depuis 19 ans et cette longévité tranche avec la discrétion de ce guitariste qui n’en souffre aucunement. C’est une anecdote qui m’avait permis, en décembre 2006, de mesurer l’importance de ce musicien dans le fonctionnement de cet orchestre. Dans la voiture qui conduisait Jossart Nyoka, Shango et le soliste occasionnel du groupe Toms Ntale à la gare après le concert de Nantes, Jossart et Shango félicitaient ce dernier pour sa prestation. Mais Toms regrettait de n’avoir pas répété la chanson « Dédé sur mesure » réclamée par le public nantais et adressa alors une requête à Nyoka Longo : « Président, peux-tu réserver une salle afin que je continue à travailler d’autres titres de Zaïko sous la direction de Shango ».

Ainsi donc, même s’il n’a jamais été l’un des éléments les plus en vue de son orchestre, Shango fait partie des dépositaires du rythme de Zaïko Langa Langa qu’il se charge de transmettre à des guitaristes qui, paradoxalement, gagnent ensuite en notoriété et en popularité laissant le maître qui a transmis et enseigné dans son humilité et sa discrétion. Aucune frustration pourtant de la part de ce musicien qui avait commencé avec la flûte à 14 ans pour imiter papa. Plus tard, quand il évolue dans Oka en première partie des concerts de Zaïko, il passe son temps à observer religieusement et à analyser le doigté de Teddy Sukami et de Zamuangana Enoch qui jouent la guitare rythmique. Shango pousse sa modestie jusqu’à citer une litanie de guitaristes comme étant ses modèles : Gégé Mangaya, Dave Makondele, Teddy Sukami, Enoch Zamuangana, Ada Muangisa, Syran Mbenza, Bopol Mansiamina… et s’excuse de ne pouvoir tous les citer.

Le soliste Tshanda Sourate intronisé

Après sa prestation au Zénith de Paris en 2002, Zaïko Langa Langa avait sorti l’album « Eurêka » qui n’a pas été une franche réussite et pas uniquement à cause de l’absence de promotion. L’album manquait d’homogénéité et l’identité Zaïko n’était pas en évidence. Et cela malgré le titre « Ntemba » avec un très bon N’Yoka Longo et, dans une certaine mesure, «  Révélation » d’Adamo Ekula et «  Criminel d’amour » de Doudou Adoula Monga. « Empreinte » qui suivit était nettement meilleur mais pas suffisant pour rétablir Zaïko Langa Langa sur son piédestal. Pour certains fans, les coupables étaient tout trouvés : les atalaku (animateurs) et le soliste Tshanda Sourate. Une sentence autant sévère qu’injuste pour ce guitariste qui a essayé d’imposer son propre doigté plutôt que de singer ses talentueux prédécesseurs.

Bien lui en prit, car dans l’album « RencontreS », Tshanda est plus que convaincant dans « Maloba na yo » de Shango dans laquelle il emballe le rythme. Et comme dans la tradition de la musique congolaise tous les bons solistes sont gratifiés des animations à leur gloire, les chanteurs plébiscitent le soliste en tshiluba, et quelles animations ! Excellentes au point d’excuser leur longueur car elles couvrent malheureusement les guitares dans une bonne partie de la partie dansante de la chanson. Le soliste est, par ailleurs, remarquable dans la chanson « Éruption » de Motingia, et intéressant dans « C’est pour toi » de Lola Mwana et « Eka Lowisa » de Tony Dee Bokito…

« Maloba na yo » ne sera sans soute pas considérée par la presse et les mélomanes comme la meilleure chanson de l’opus RencontreS, mais c’est mon coup de cœur pour la simplicité et la fluidité du couplet et du refrain, ainsi que pour le rythme très entraînant de la partie dansante. Résultat : la mélodie, ce langage universel compréhensible par tous, traduit bien le thème de la chanson, un drame fréquent mais jamais banal.|Botowamungu Kalome(AEM)

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