18.01.10 Jeune Afrique: Le secteur retrouve des couleurs

"L'exploitation

L'exploitation du sous-sol africain va connaître un regain d'activité© Alamy


Après
dix-huit mois particulièrement difficiles pour le secteur minier, qui a
subi de plein fouet l’effondrement de la demande mondiale et la chute
des cours des minerais, l’année 2010 marquera-t-elle l’amorce d’une
reprise ? Des signaux positifs forts portent fermement à le croire.
Depuis mars 2009, les minerais reprennent ainsi de sacrées couleurs.
Certains métaux côtoient même des sommets. Le 3 décembre dernier, l’or
a pulvérisé son record, atteignant 1 226,50 dollars l’once. De son
côté, le cuivre se ­rapproche du seuil des 7 000 dollars la tonne. Le
11 décembre, le nickel a atteint son plus haut niveau depuis
octobre 2008, à 16 775 dollars la tonne. De même, l’aluminium
s’apprécie à 2 277 dollars la tonne, son cours le plus élevé depuis
octobre 2008. Selon une étude de First State Investments, société de
gestion financière australienne, filiale du groupe Commonwealth Bank,
portant sur douze mois, jusqu’à ­septembre 2009, le prix du plomb a crû
de 125 %, celui du cuivre de 112 % ainsi que ceux du nickel (+ 57 %),
du platine (+ 42 %) et de l’or (+ 19 %) ! « Une telle tendance
haussière des cours ne peut qu’être favorable à un regain d’activité
des compagnies minières en Afrique. On peut être optimiste pour 2010 et
2011 », estime Patrice Christmann, chef du service ressources minérales
au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) en France.

Randgold sur tous les fronts

L’embellie du secteur est également soutenue par le redémarrage plus
fort et plus tôt que prévu de la demande chinoise. Un élément capital
pour redynamiser le secteur en Afrique, continent qui possède 89 % des
réserves mondiales de platine, 81 % de chrome, 61 % de manganèse et
60 % de cobalt. Et une aubaine pour certains pays qui peuvent tirer un
meilleur profit de leurs ­ressources minières, comme la RD Congo, qui
détient 10 % des réserves planétaires de cuivre et 34 % de cobalt.
Affamé de fer et d’autres métaux de base (cuivre, aluminium, nickel,
zinc…), l’empire du Milieu a en effet accru sensiblement ses
importations. Sa croissance en 2009, estimée finalement à 9 % en
glissement annuel, lui donne des ailes. Avec comme principal
bénéficiaire le cuivre, tiré par une hausse de 38 % de la demande
chinoise. Mieux, « l’amélioration progressive de la demande mondiale
que l’on constate, émanant de l’Europe, du Japon, de l’Amérique du Nord
et de l’Amérique latine, pourrait conduire les sociétés minières à
réactiver à plus court terme leurs capacités de production et de
réserves », analyse David Whitten, responsable des ressources mondiales
chez First State Investments. Une tendance toutefois pas encore assez
forte pour QMM, filiale de Rio Tinto, qui exploite une mine d’ilménite
à Madagascar. « Nous nous attendons à une remontée timide de notre
production en 2010, avant un véritable redécollage de la demande en
2011 », expliquait récemment Fanja Rakotomalala, son président.
L’ilménite est utilisée dans la fabrication de pigments blancs pour les
industries de peinture et de plastiques.

Pourtant, portées par les prix élevés des métaux, certaines
compagnies en profitent déjà pour doper leurs investissements sur le
sol africain. Le canadien First Quantum Minerals va par ­exemple
développer son projet d’exploitation de la mine de cuivre de Kashime,
en Zambie. Et le groupe britannique aurifère Randgold multiplie ses
investissements en RD Congo, au Mali et en Côte ­d’Ivoire. « Lorsque
les prix des minerais sont élevés, les entreprises ­obtiennent plus
aisément les financements des organismes prêteurs pour ­accroître leur
trésorerie et procéder à des investissements », ajoute un observateur
avisé. La plupart des compagnies encore fortement endettées en raison
de la crise devraient également profiter de ces nouvelles facilités de
financement pour d’abord redresser leurs comptes avant de redémarrer
leurs projets d’exploitation sur le continent. Mais les sociétés
minières ne sont pas toutes logées à la même enseigne. « Si les grandes
compagnies ont la capacité de se restructurer, les sociétés juniors,
qui ne font que de l’exploration, sont en grande difficulté
financière », souligne Stéphane Brabant, avocat d’affaires associé au
cabinet Herbert Smith, spécialiste du secteur minier en Afrique (voir
p. 128). Du coup, les principaux projets envisagés ou gelés sur le
continent ne devraient pas être lancés ou relancés dans l’immédiat.
D’autant que la mise en œuvre d’un projet est en général un processus
long. « L’exploitation d’un site demande une évaluation poussée de sa
faisabilité et de son financement.

Étude des risques

Tous les risques sont étudiés en détail : l’estimation des réserves,
le coût du projet par rapport à la volatilité des cours des minerais,
le montant des infrastructures annexes, les problèmes de gouvernance
dans le pays concerné… », indique Stéphane Brabant. Ce dernier élément
de risque, spécifique à l’Afrique, entrave souvent le bon déroulement
des projets. La crise et les changements de pouvoir politique dans
certains pays ont en effet poussé les nouveaux gouvernements à remettre
en question les grands contrats miniers scellés auparavant entre
multinationales et anciennes autorités ­publiques. ­Guinée, Sierra
Leone, ­Zimbabwe, RD Congo, Madagascar… Au total, 11 pays africains ont
décidé de réviser leurs contrats miniers. Pour l’instant seul État à
être parvenu à ses fins, la RD Congo a récupéré 311 millions de dollars
pour 23 contrats maintenus et 14 résiliés. Alors que dans le chaos
guinéen les géants Rio Tinto et RusAl. sont victimes d’expropriation ou
de tentatives de renationalisation de leurs actifs imposées par la
junte au pouvoir. « La où les conditions sont bonnes, les ­compagnies
répondront toujours présent pour investir », conclut Patrice
Christmann. 



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