18.06.18 – Corneille Nangaa: « Le peuple congolais attend les élections »

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Cathobel: Pouvez-vous garantir que les élections auront bien lieu le 23 décembre 2018 ?

Corneille Nangaa: Cette date procède d’une décision
de la CENI, portant publication du calendrier électoral qui a fixé un
certain nombre d’échéances, dont les plus importantes sont la
convocation de l’électorat le 23 juin et la tenue des trois scrutins,
conformément à l’Accord de la Saint-Sylvestre, le 23 décembre. Nous
sommes heureux de constater que jusqu’ici toutes les dates de ce
calendrier sont respectées.

Nous avons d’abord commencé par régler les préalables aux élections,
dont le plus important était bien évidemment l’inscription des Congolais
sur les listes pour avoir un fichier électoral complet. Un travail de
titan a été abattu depuis juillet 2016 jusqu’au 31 janvier 2018, date à
laquelle nous avions inscrit près de 46 millions de votants. Grâce à un
logiciel spécifique, nos équipes ont nettoyé le fichier en 37 jours. Je
peux donc affirmer que nous avons aujourd’hui un fichier fiable de 40,3
millions d’électeurs. Après le dépôt des candidatures, nous procéderons
au déploiement du matériel, au recrutement et à la formation des quelque
650.000 agents.

La campagne électorale commencera le 20 novembre pour se terminer le
21 décembre. Je peux affirmer que les Congolais fêteront Noël en
connaissant le résultat des élections.

Le magazine « Jeune Afrique » a écrit que l’électeur n’aurait qu’une minute environ pour voter. Est-ce vrai ?

Vous avez testé la machine à voter. Vous avez constaté que le vote
est rapide. « Jeune Afrique » ne l’a jamais vue mais en parle quand
même. C’est une campagne de sape pour des raisons qui n’ont rien à voir
avec les élections. Nous souhaitons que les journalistes qui écrivent
sur cette machine l’expérimentent d’abord. Il y a hélas du mensonge.
Nous apprenons par ces mêmes médias que la commission électorale
sud-coréenne nous aurait écrit pour dire que la machine n’est pas
fiable. Je n’ai jamais reçu ni vu un tel courrier.

La vérité est que l’entreprise sud-coréenne retenue fournit le
matériel à la commission électorale de son pays. Elle a aussi déployé
des machines dans d’autres pays. Mais quand il s’agit de la RDC, cela
pose problème.

Que dites-vous à ceux qui affirment que c’est une machine à tricher ?

C’est leur opinion. Je la respecte. Nous sommes en démocratie. Je
suis un expert en élections et sais donc de quoi je parle. Ce que nous
proposons est ce que nous trouvons de mieux pour le pays. Bien sûr, rien
ne se fait dans ce processus sans que ce soit contesté par l’une ou
l’autre partie. Mais là n’est pas le problème.

Depuis février, nous avons lancé un programme national d’éducation et
de sensibilisation, pour apprendre aux Congolais comment cela va se
passer. La CENI a prévenu: s’il s’avérait qu’on ne veut pas de machines à
voter, il est certain que les élections seront reportées de quelques
mois. Je ne sais pas qui est prêt à assumer cette décision. En tout cas,
pas la CENI.

Est-ce un vote électronique ?

Ce n’est pas un vote électronique qui suppose une dématérialisation
du bulletin de vote. Le vote se fait sur un bulletin papier. La machine
n’est qu’un appareil pour imprimer in situ le bulletin par l’électeur
lui-même, qui le glissera ensuite dans l’urne. Le comptage se fait
manuellement comme ça a toujours été le cas, avec l’avantage qu’après,
nous avons d’autres sources de vérification pour savoir par exemple,
combien de bulletins ont été imprimés.

La RDC est-elle réellement en mesure de financer elle-même ces élections ?

C’est une question à poser au gouvernement. La question du
financement extérieur doit être analysée dans son contexte. Depuis 2013,
nous sommes habitués à entendre que la communauté internationale peut
financer les élections. Mais c’est toujours sous conditions. Si le
gouvernement de la RDC s’engage à financer seul, ce n’est pas une
mauvaise décision.

Un financement de 125 millions de dollars US avait été prévu par les
bailleurs. J’ai été surpris d’apprendre que ce financement était plutôt
de 35 millions et qu’en même temps les bailleurs ont financé des ONG
pour plus de 185 millions au nom du processus électoral. C’est quand
même curieux…

Entre-temps, il faut reconnaître que l’appui international a été
multiforme, notamment dans le financement de l’assistance technique.
Nous bénéficions de l’apport de 52 experts internationaux issus de la
Monusco, du PNUD et de l’Union européenne.

Certains affirment que la CENI est manipulée. Que leur répondez-vous ?

Que la CENI est une structure indépendante appelée à collaborer avec
toutes les institutions. Ce que nous faisons. Sans collaboration avec
les deux chambres du Parlement, nous n’aurions pas de loi organisant les
scrutins. Sans collaboration avec le gouvernement, nous n’aurons pas le
financement nécessaire. Sans collaboration avec la société civile, les
fournisseurs et l’opposition, nous n’aurons pas les moyens d’aller aux
élections. On peut appeler cela de la manipulation, mais c’est faux. La
vérité est que le 23 décembre, nous tiendrons ces élections grâce
justement à ces collaborations. Ma question est de savoir si les acteurs
sont vraiment prêts, quand je vois le comportement des uns et des
autres. Mais le peuple congolais attend ces élections.

Il subsiste des zones d’insécurité, au Kasaï et au Nord-Kivu notamment. Pourrez-vous y organiser le scrutin ?

Aujourd’hui, la situation est stabilisée au Kasaï. La preuve en est
que nous avons pu y enrôler les électeurs. La situation est en phase de
stabilisation en Ituri. Seule l’agitation au Nord-Kivu peut
effectivement engendrer des préoccupations.

Votre mandat s’achève en juin 2019. Votre rêve est de partir mission accomplie ?

Mon rêve est de donner au peuple congolais ses troisièmes élections
en 53 ans d’indépendance. Nous avons eu quatre présidents et aucun n’a
pris le pouvoir après une « remise-reprise ». Si les élections sont bien
organisées, le peuple congolais aura cette chance. Il ne faut pas lui
faire rater cette opportunité.

Propos recueillis par Jean-Jacques DURRÉ
Cathobel

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