14 07 18 -Robert Crem, l' un des derniers survivants de la période de «Gécamines providence».

27 juillet 2006

Robert Crem, 74 ans, est l' un des derniers survivants de la période de
«Gécamines providence». Ancien président délégué général de la Gécamines, cet
ingénieur des mines, qui a commencé sa carrière africaine et internationale en
1956, dénonce aujourd'hui «le pillage scandaleux» des mines congolaises.
Interview.

Dans une récente carte blanche, vous vous dites surpris du silence de la
communauté internationale et en particulier de la Belgique sur ce pillage.
Pourquoi le terme «silence»?

La communauté internationale et la Belgique, en particulier, n'a toujours
pas compris que, le 30 juin 1960, le Congo est passé d'une colonie à un état
indépendant. Mais son exploitation se fait toujours plus agressive. La Belgique
profite ainsi de l'incompétence du pouvoir en place pour instituer une
recolonisation «plus méchante» que par le passé. Le pillage scandaleux de ses
richesses en est la preuve: il est passé sous silence.

Qu'entendez-vous par «recolonisation plus méchante»?

Dans le passé, la puissance coloniale a investi dans le pays tant au plan
industriel que social. Tandis que, depuis 1960, des acteurs belges et étrangers
ont gardé les profits de ces investissements du passé mais sans les réinvestir,
d'où la décrépitude des structures industrielles et des infrastructures du
pays.

Concrètement, comment le pouvoir belge participe-t-il à cela?

La Belgique – le gouvernement et les sociétés belges – favorise la
négociation de contrats avec la RDC pour des prestations dont l'essentiel des
profits reste en Belgique ou en Europe, sinon dans des paradis fiscaux. La
plupart des transactions belgo-congolaises aujourd'hui, surtout dans le secteur
minier, sont effectuées par des entreprises dont les sièges sociaux sont situés
dans les Iles Vierges et autres paradis fiscaux des Caraïbes. On ne trouve pas
la trace des opérations en Belgique si ce n'est dans des sociétés comme la
banque Belgolaise qui, pour ces raisons, est en examen au travers d'une
procédure qui semble éprouver des blocages au niveau de l'instruction
judiciaire.

Que devrait être aujourd'hui le rôle de la Belgique?

Au vu des résultats de cette assistance «négative», la Belgique se doit de
procéder à l'analyse critique de son passé post-colonial et se montrer
exemplaire dans l'avenir immédiat en accordant une prééminence aux intérêts
africains et non aux «copains» de la coopération belge. C'est ce que certains
appellent le mea culpa, appellation creuse et hypocrite.

Plutôt que de faire la morale au Congo, la Belgique devrait, avant de
condamner les corrompus, admettre qu'elle a elle-même aussi corrompu.

Comment le pouvoir congolais, actuel ou futur, peut-il mettre fin à cette
exploitation?

Il faut que le pouvoir décide de suspendre tous les contrats et conventions
minières conclues entre le 31 décembre 1966 et aujourd'hui. Ces contrats doivent
être suspendus, réexaminés et en conclusion d'examen, déclarés corrects et
consolidés, réaménagés, sinon dénoncés.

Vous suggérez une révision du nouveau Code minier?

Entre 1997, date du décès de Mobutu, et 2002, date du nouveau Code minier
sous Kabila II, le père et le fils Kabila ont octroyé des concessions contre des
montants qui leur ont été versés sur leur compte personnel. En 2002-2003, quand
les institutions de Bretton-Woods ont voulu remettre de l'ordre dans tout cela,
le Code minier fut réformé en faveur des opérateurs miniers. Les vrais
investisseurs n' auront pas peur de l' exercice: alors que les majors de
l'industrie seront tranquillisés, les exploitants douteux partiront.

Le ministre des Affaires étrangères, Karel De Gucht, s'est dit opposé à une
«chasse aux sorcières contre les sociétés minières actives en RDC»…

Dénoncer l' absence de transparence, la corruption et le manque de
compétences ne constitue pas une «chasse aux sorcières». J'ai dénoncé à l'époque
une très importante convention minière conclue avec un consortium français,
américain, japonais et privé. Cela n'a pas provoqué «une longue série de procès
et de demandes d'indemnisations qui durèrent des années», comme le prévoit dans
ce cas-ci Karel De Gucht.

«La toilette» des conventions minières serait assortie d'une gestion
contractuelle intérimaire des exploitations actuelles, entre la RDC et les
opérateurs actuels de bonne foi. r Isabelle Dykmans (st.)

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