Emmanuel de Mérode: « L’électrification dans la région du Parc des Virunga est un moteur d’une nouvelle économie » (RTBF)

VIRUNGA – Ils sont venus spécialement en Belgique pour se former… Trois techniciens congolais du Parc des Virunga participent actuellement à un stage de formation sur le site électrique d’ORES à Aye (Marche-en-Famenne). C’est le troisième volet d’un partenariat entre l’Alliance Virunga, dirigée par le belge Emmanuel de Mérode, et la société ORES….

Concrètement, durant deux mois, ces techniciens vont apprendre à gérer l’exploitation et la maintenance d’un réseau électrique, résoudre des incidents, réparer les défaillances, manœuvrer des systèmes de dépannages ou de sécurité…Tout un savoir-faire technique de haute tenue. Car aux alentours du Parc des Virunga, à l’Est de la République démocratique du Congo, 250 kilomètres de lignes électriques ont été installés. Des infrastructures sur la base du modèle wallon qui sont sorties de terre ces trois dernières années.

Ce partenariat entre l’Alliance Virunga et ORES est né de la volonté d’améliorer les conditions de vie des habitants proches du Parc, dans le but de contrer la prolifération des milices armées.

C’est ainsi, qu’il y a quelques années, Emmanuel de Mérode a entamé le développement d’une industrie locale, notamment via la construction d’un réseau de distribution d’électricité et d’unités de production d’énergie hydraulique pour l’alimenter. A ce jour, deux centrales hydroélectriques sont opérationnelles, huit autres verront le jour dans un avenir proche.

Un travail qui porte ses fruits. En trois ans, 6.000 foyers ont eu accès à l’électricité. Et avec l’arrivée d’un tel réseau, certains villages se sont transformés.

« C’est spectaculaire ! », se réjouit Emmanuel de Mérode. « A Kiwanja par exemple, aujourd’hui, un peu plus de 500 entreprises sont connectées au réseau. 80% de ces entreprises n’existaient pas avant que l’électricité n’arrive, et donc il y a un développement économique qui se voit et qui se sent… ça créé de l’emploi. Car le problème dans ces zones, le taux de chômage parmi les jeunes est de plus de 70%. Cela amène de la violence, de l’insécurité. La création de groupes armés est le malheur de cette région. Et c’est intégralement lié au chômage. Avec l’arrivée de l’électricité et l’emploi que ça génère, c’est positif pour la jeune génération ».
Un projet de développement qui tente de réparer une injustice

Étendu sur plus de 800.000 hectares, le Parc des Virunga se maintient entre deux extrêmes : richesses naturelles et pauvreté économique. Ce qui en fait une cible pour ceux qui cherchent à tirer profit de ses ressources – trafics illégaux de charbon de bois et braconnage, notamment…. D’autant plus que de nombreuses règles interdisent aux congolais l’exploitation des richesses naturelles du Parc. Une interdiction perçue comme une injustice au sein de la population locale.

« On a un héritage au niveau de la politique de la conservation qui n’est pas facile à gérer », admet Emmanuel de Mérode. « Ce parc a été créé il y a presque cent ans et à l’époque, les circonstances étaient très différentes… Beaucoup de choses ont changé en cent ans. En particulier, la situation démographique. Le besoin en ressources naturelles a fortement augmenté.

Il est problématique que 4 millions de personnes vivant à moins d’une journée de marche du Parc, ne peuvent pas accéder à cet énorme espace de terres extrêmement riches, alors qu’ils ont faim. Ils ont besoin de terres agricoles…. C’est un problème auquel il faut trouver des solutions.

Le Parc des Virunga, classé parmi les sites du Patrimoine mondial de l’UNESCO, signifie que c’est une richesse pour le bénéfice de toute l’humanité. Mais il faut reconnaître que cela a un coût. Et le fait que ce coût soit entièrement imposé à la population locale, qui est l’une des populations les plus pauvres de la planète, est totalement inacceptable. C’est comme ça qu’on définit une injustice sociale.

C’est un équilibre que l’on doit rétablir, d’une manière au moins équivalente en termes de richesses. C’est pour cela que le projet d’électrification est si intéressant, il nous permet d’imaginer le Parc comme le moteur d’une nouvelle économie, sans pour autant détruire les terres ».
Ce qu’on a voulu faire aux Virunga, c’est de montrer une économie verte

Engagé contre le braconnage et la déforestation, Emmanuel de Mérode est directeur du Parc des Virunga depuis 2008. En 2014, il avait été pris dans une embuscade dans laquelle il avait été laissé pour mort, après avoir reçu quatre balles. Régulièrement, les gardiens du Parc sont pris pour cible par des milices…

Mais le travail de l’équipe a fini par payer. Selon l’UICN (l’Union internationale pour la conservation de la nature), le gorille des montagnes n’est plus considéré comme une espèce en danger. La population est passé de 254 en 1985 à plus de 1000 aujourd’hui. C’est peut-être pour cette raison qu’Emmanuel de Mérode s’autorise à consacrer plus de temps au développement humain.

« En effet, les animaux peuvent s’occuper d’eux-mêmes quand on les laisse tranquille, tandis que l’aspect humain est plus complexe. L’un des plus grands défis de notre génération, c’est d’arriver à réconcilier ces communautés avec une exploitation de la nature, équilibrée. Ce n’est pas simple mais c’est possible. Ce qu’on a voulu faire aux Virunga, c’est de montrer une économie verte. Une économie qui apporte énormément de richesse à la population, sans nécessairement détruire l’environnement. C’est possible, même dans des conditions aussi difficiles que la région autour du Parc des Virunga à l’Est de la RDC ».

En plus de la main d’œuvre et du savoir-faire, ce projet de développement électrique dans la région du Parc a nécessité des fonds importants. La Coopération belge a soutenu la construction d’une des centrales hydroélectriques, à hauteur de 3,4 millions d’euros.

Quant au financement du voyage et du logement des stagiaires en Belgique, il est assuré par le Parc des Virunga – soutenu pour cette initiative par l’Union Européenne. Tandis qu’ORES met ses compétences à disposition dans le cadre de cette formation.

© RTBF, 06.09.19

Image : Emmanuel de Mérode
Source : BBC

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