La joie radieuse du peintre congolais JP Mika (Radio France Internationale)

KINSHASA – « Bisengo », la joie, c’est le mot clé de l’autoproclamé « peintre universel » JP Mika. Avec ses tableaux flamboyants, l’artiste congolais de Kinshasa avait déclenché l’enthousiasme du public lors de la grande exposition « Beauté Congo » en 2015.

Aujourd’hui, à 39 ans, il présente à partir du samedi 7 septembre sa première exposition personnelle hors Afrique, à la galerie Magnin-A, à Paris.

Ses tableaux ? De la taille d’un homme, montrant souvent des femmes épanouies. Avec des personnages ciselés sur des fonds de tissus imprimés fleuris ou animaliers. Sa palette de couleurs sans limites avec des tonalités étincelantes nous renvoie vers une beauté resplendissante.

« Mes œuvres, je les fais pour tout le monde, affirme-t-il d’entrée, après avoir mis sa veste fleurie créée pour l’occasion. Pour cela, je suis un artiste et peintre universel. »

Quand JP Mika se présente, on trouve sur son visage le même sourire que sur ses œuvres : un grand sourire franc, affirmé, presque béat. « J’ai cette particularité et je dis toujours que Dieu m’a donné cela : la joie.

Il se trouve que j’ai une lumière en moi, et j’aime bien partager cela avec tout le monde. Se retrouver avec cette joie, qu’on nomme chez nous « bisengo », ce n’est pas donné à tout le monde. Pour cela, dans mes œuvres, je me représente moi-même. »

« C’est inouï d’invention »

Son mentor, le galeriste André Magnin, ne tarit pas d’éloges sur JP Mika qu’il a pris sous ses ailes depuis dix ans.

Magnin, jadis co-commissaire des Magiciens de la Terre, l’exposition légendaire qui avait ouvert, il y a 30 ans, l’histoire de l’art moderne et contemporain aux arts non occidentaux, se montre convaincu que l’artiste congolais « a inventé quelque chose : des fonds colorés sur lesquels il réintervient.

On pense que c’est simplement un tissu sur lequel il a dû peindre un personnage. C’est loin d’être seulement cela. Il fait pénétrer le personnage dans les fonds et les fonds dans le personnage. C’est inouï d’invention, inouï de beauté et inouï de précision. C’est un très grand peintre. »

Donc, pas si étonnant que ses œuvres abondent en autoportraits. JP Mika n’hésite pas à s’immortaliser, sur une toile de 160 x 120 cm, sous forme d’homme providentiel, affublé de slogans élogieux : « celui qui a un grand cœur », « être humble », « sans compter », « sacrifier son intérêt personnel », le tout intitulé La Générosité : « Pour moi, la générosité est vraiment très importante, parce que, chez nous, en Afrique, nous vivons souvent en communauté. En tant qu’artiste, il faut que je sois généreux. Le peu que je gagne, j’aime bien partager cela avec les gens qui ne gagnent pas autant que moi. »

Annoncer la bonne nouvelle

On se laisse volontiers emporter par la vague d’optimisme provoquée par ses créations. JP Mika célèbre La Fidelité, La grandeur divine, Les Amoureux, mais surtout Sango Malamu, la bonne nouvelle : « Chez nous, il peut y avoir quelqu’un qui n’a pas de moyens, mais il est joyeux. C’est vraiment une particularité.

Moi, même si je suis dans la difficulté, je reste joyeux. Avec ce tableau, je dis : même si quelqu’un a perdu l’espoir, une bonne nouvelle peut toujours arriver. Cette œuvre annonce la bonne nouvelle à tout le monde. »

Et quand les difficultés du monde transparaissent malgré tout dans des tableaux comme La Vraie intégration ou Les Parcours, avec son ode à la joie africaine, l’artiste congolais JP Mika cherche toujours à sublimer l’existence des êtres humains.

Dans Maladie migratoire, il se concentre sur les retrouvailles d’un couple d’immigrés, avec un bébé qui découvre son père : « Moi, je représente la joie de se revoir. Je ne voulais pas montrer toutes les difficultés derrière. J’aime donner aux gens l’espoir et la joie. »

« On était pauvre, mais aussi riche »

Né en 1980, à Kinshasa, dans une famille pauvre, Jean-Paul Nsimbe Mika commence très tôt à monnayer son talent artistique.

À l’âge de 13 ans, pour gagner sa vie, il fait des peintures murales, des panneaux publicitaires, des publicités pour des groupes de musique de son quartier : « ça nourrissait moi, mais aussi mes petits frères et sœurs. C’est ma façon de faire. J’aime bien aider les autres. On était pauvre, mais, en même temps, on était aussi riche. »

À cette époque, il fait aussi ses premières affiches de cinéma : « ma première, c’était La Hyène intrépide de Jackie Chan, la deuxième Bloodsport de Jean-Claude van Damme et la troisième, c’était pour la vidéothèque Suzuki, Prédator, d’Arnold Schwarzenegger. C’est cela qui m’a appris la force des couleurs et m’a rendu la force de devenir JP Mika. »

La rencontre avec Chérie Chérin et Chéri Samba

Grâce à ses nombreuses publicités, un jour, dans un taxi, il rencontre par hasard Chérie Chérin, le père de la peinture « populaire » congolaise.

« Il connaissait mes œuvres et il m’a dit : tu fais bien les couleurs. Maintenant, il faut commencer à faire des tableaux. Viens chez moi… Grâce à Chéri Chérin, j’ai appris comment on compose un tableau. »

À travers son maître, il rencontre l’autre star de la peinture congolaise, Chéri Samba. « Je portais un collier que je porte toujours, avec un pendentif orné de mon portrait. Et j’ai fait un autre pour Chéri Chérin avec son portrait.

Quand Chéri Samba l’a vu, il voulait savoir qui l’a fait et m’a invité. Chez lui, j’ai appris comment bien détailler les choses, comment faire les choses proprement. Chez Chéri Chérin, j’ai appris à composer l’idée, à composer le tableau. »

Les professeurs et la joie

Très vite, il entre aussi à l’École des Beaux-Arts à Kinshasa. Mais la promesse se transforme rapidement en désastre, raconte André Magnin : « On est en 2006. Les professeurs, d’obédiences occidentales, veulent qu’il fasse de l’abstraction.

Lui, il refuse, parce que l’abstraction ne lui dit rien. Ce qui l’intéresse, c’est la figuration. Il veut être dans la joie et qu’on voie dans ses tableaux de la joie et de la couleur. Pour lui, c’est ça la beauté qu’il veut transmettre au public, à son public à Kinshasa et à son public mondial. »

En 2008, JP Mika est sélectionné pour accompagner Chéri Chérin lors d’une exposition à Bilbao, en Espagne. C’est le premier pas vers une reconnaissance internationale.

La prochaine très bonne nouvelle arrive en 2015, avec sa participation à Beauté Congo, l’exposition pionnière sur l’art congolais à la Fondation Cartier pour l’art contemporain.

« Beauté Congo » et le style JP Mika

« Après cette exposition, l’intérêt pour mes œuvres a beaucoup augmenté. Il y avait le succès, mais aussi des problèmes [rires]. Beauté Congo m’a ouvert les portes de l’Europe. Aujourd’hui, Bisengo est l’exposition de la confirmation. C’est l’effet waouh. »

Chaque œuvre exposée date des deux dernières années et reflète sa propre technique. Cette diversité lui a aussi permis à surmonter l’image d’un peintre au style populaire, entre sapeurs congolais et tissus imprimés à motifs fleuris : « Ce que je fais maintenant, c’est le style JP Mika.

J’ai créé une façon différente de faire les choses. Regardez-moi : je porte une veste à motifs fleuris, je suis raccord avec mes peintures. Je considère que je suis moi-même une œuvre d’art. »

Moins politique que Chéri Samba et moins militant que Chéri Chérin, avec son souci pour la précision et le détail, JP Mika se dirige visiblement vers une peinture pure, habitée par un seul message : la joie et la beauté.

Pour André Magnin, aucun doute : « JP Mika figure parmi les peintres les plus talentueux du continent africain ».

© Radio France Internationale, 06.09.19

Images – source: RFI, Pinterest

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