Sud-Kivu: l’hôpital de Panzi a célébré ses 20 ans (Les Dépêches de Brazzaville)

BUKAVU – La structure sanitaire située dans la province du Sud-Kivu a soufflé ses vingt bougies, le 31 août dernier, en présence de son médecin directeur, Denis Mukwege. Une occasion pour ce dernier de réclamer justice, tout en traçant une ligne rouge contre l’impunité des violences sexuelles.

Le Dr Denis Mukwege a réaffirmé son engagement à toujours travailler pour le bien-être des femmes victimes des violences sexuelles. « Nous continuerons à réclamer la justice partout dans le monde pour les victimes en traçant une ligne rouge contre l’impunité. Nous continuerons à nous battre pour le projet de Fonds mondial de réparation sur lequel nous travaillons depuis 2010 », a-t-il dit, dans un message du 1er septembre.

La poursuite de la vision

D’après le directeur de cette formation médicale, l’hôpital de Panzi continuera, dans les prochaines années, à concrétiser sa vision de rester un centre d’excellence pour le traitement des victimes de violences sexuelles et pour une prise en charge de qualité des soins de santé maternelle. Cette institution hospitalière va travailler également en vue d’élargir son héritage, en servant de centre de formation modèle de traitement médical et global des victimes de violences sexuelles dans le monde, en le mettant en pratique dans d’autres contextes de conflit. « Nous ne cesserons jamais de fournir des soins, de partager notre vision d’un monde solidaire et de responsabiliser toutes les survivantes en tant qu’agents du changement passant du statut de victime à celui de leader dans la société », a souligné le Dr Denis Mukwege, invitant ainsi tout le monde à se joindre à l’équipe de cet hôpital.

Notant, par ailleurs, le lancement officiel, le 31 octobre prochain, du projet de Fonds mondial de réparation sur lequel il travaille depuis 2010, Denis Mukwege, qui a décliné le parcours de cette formation médicale, a fait savoir que, vingt ans après la première opération des suites d’un viol avec extrême violence en 1999, l’hôpital de Panzi a traité plus de cinquante cinq mille victimes de crimes sexuels. « Ce chiffre est en constante augmentation puisque chaque jour, entre cinq et sept femmes y sont reçues pour des cas de violences sexuelles », a -t-il précisé.

Reconnaissant que la violence sexuelle dans les conflits n’est pas seulement un problème en République démocratique du Congo (RDC), le Prix Nobel de la paix 2018 a relevé le désir de la fondation Panzi d’élargir sa vision de la guérison holistique à l’extérieur du pays. Ce, en veillant à ce que les victimes en République centrafricaine, au Burundi, en Irak et ailleurs puissent avoir accès à cette forme de guérison et reconstruire leurs vies. Ainsi a-t-il indiqué que des One stop centers proposant le modèle de prise en charge global de Panzi seront mis en œuvre dans les prochains mois.

Une douloureuse histoire

Egrainant l’histoire de cette formation médicale particulière et unique en son genre, le Dr Mukwege a précisé que cette dernière est née dans un contexte de conflits. L’hôpital de Panzi, a-t-il souligné, accueilli dès les premiers jours de sa vie des victimes de guerre. Parmi elles, des blessés, des déplacés et des femmes victimes de violences sexuelles. « Je me souviens de ces deux anciennes maisons d’architecture coloniale qui ont été restaurées pour devenir l’hôpital de Panzi. Je me souviens aussi des toutes premières consultations qui ont eu lieu au mois de septembre 1999 », a-t-il admis. Mais ce médecin s’est également dit négativement marqué par les différentes scènes qui se présentaient devant lui et son équipe. « J’étais consterné par ce qui se passait sous mes yeux », a-t-il regretté.

Ce pourquoi il a particulièrement salué l’engagement de toutes les équipes de cet hôpital à mettre fin au viol utilisé comme arme de guerre en RDC et dans le monde entier. « Ce combat jouit aujourd’hui d’un écho mondial nécessaire au changement des mentalités », s’est-il réjoui. Denis Mukwege a également reconnu « avec émotion » l’apport de tout le personnel de cet hôpital qui a répondu courageusement en traitant chaque victime avec compassion et dignité, notant que lorsqu’ils ont compris que les traitements médicaux n’étaient pas suffisants pour pouvoir se soigner entièrement et que les survivantes avaient besoin d’un accès à des services supplémentaires pour se reconstruire, lui et toute son équipe avaient mis sur pied un modèle de guérison holistique à quatre piliers associant le traitement médical à un soutien psychosocial, des services de réintégration socioéconomique et un accès au système judiciaire. Ensemble, a-t-il avoué, ces piliers ont sauvé des vies et réparé des âmes tout en permettant aux survivants de gagner leur indépendance et d’exiger la justice.

© Les Dépêches de Brazzaville, 03.09.19

Image – source: Ressources du Congo / Panzi Foundation

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