Afrique des Grands Lacs : que retenir du colloque organisé au Sénat français le 9 mars 2020 ? (CongoForum)

KINSHASA / PARIS – Alors que l’on redoutait des interventions négationnistes du génocide rwandais, les invités du colloque organisé au Sénat français le 9 mars 2020 ont respecté la consigne donnée. Mais Martin Fayulu n’a pas pu se retenir au regard de tueries des congolais à l’Est de la RDC.

Placé sous le thème « L’Afrique des Grands Lacs, 60 ans de tragique instabilité », le colloque organisé par le Sénat dans l’hémicycle Médicis au Palais du Luxembourg a connu la participation de plusieurs personnalités. C’était sous une haute sécurité, à vue d’œil.

A en croire Jeune Afrique, ce colloque a été perçu de mauvais œil du côté de Kigali. Le président du Sénat rwandais, Augustin Iyamuremiye, en dénonçait le caractère provocateur. C’était dans une correspondance qu’il avait adressée à son homologue français, le 6 mars 2020. Pour lui, visiblement cette conférence était destinée à faire le procès du régime du Rwanda après le génocide.

Apologie du négationnisme du génocide rwandais ?

Selon ce proche de Kagame, « Parmi les invités, on retrouve plusieurs personnalités dont le discours et les écrits n’ont d’autre but que de faire l’apologie du négationnisme du génocide perpétré contre les Tutsi », mentionnait-il dans sa correspondance.

Les invités attendus à ce colloque étaient des essayistes controversées, entre autres, Charles Onana, qui est à l’origine d’une polémique sur la contestation de crimes contre l’humanité. D’ailleurs, il fait actuellement l’objet d’une procédure pénale.

On notait également la présence de la journaliste canadienne Judi Rever, qui avait vu la publication de la version française de son livre être refusée par les éditions Fayard. Il s’agit de son ouvrage intitulé ‘In Praise of Blood. The Crimes of the Rwandan Patriotic Front’ (Penguin Random House).

Malgré tout cela, ce colloque n’a pas été annulé conformément à la demande du Sénat rwandais ainsi que de plusieurs associations de défense des droits de l’homme.
Il faut souligner par ailleurs que certains soutiens de la conférence se sont désolidarisés, notamment, l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, qui le patronnait.

La consigne de l’organisation respectée

C’est pourquoi Gérard Larcher aurait demandé aux intervenants de s’abstenir de propos négationnistes face au génocide rwandais. C’est ce qu’ont fait les divers invités considérés comme « dangereux » qui se sont succédé à la tribune ce 9 mars 2020.

Même Hubert Védrine, l’ancien secrétaire général de l’Élysée, pointé comme l’un des principaux instigateurs de l’intervention de la France au Rwanda, n’est pas allé outre mesure. Il a fait figure de victime d’une cabale de médias au service du pouvoir de Kigali.

La fureur de Martin Fayulu malgré la consigne donnée

Alors qu’il n’y était pas annoncé, le candidat malheureux de l’élection présidentielle de décembre 2018, Martin Fayulu, s’est fait inviter par le journaliste Marc de Miramon.

A en croire Jeune Afrique, le soldat du peuple n’a pas eu sa langue dans sa poche. Dans une violence verbale, il a fustigé « l’immixtion » des tutsi dans la vie congolaise. « Aujourd’hui, on tue à Beni. […] Aujourd’hui, il y a 300 officiers tutsi au sein des Forces armées congolaises (FARDC). Dans la force publique, l’armée congolaise d’avant l’indépendance, il n’y avait pas un seul Tutsi. Dans l’Armée nationale congolaise (ANC), après l’indépendance, pas un seul Tutsi. Dans les Forces armées zaïroises [FAZ, à l’époque de Mobutu], pas un seul Tutsi ! Et aujourd’hui, plus de 300 officiers et plus de cent généraux tutsi ! Qu’est-ce qui se passe réellement ? Tout est dirigé par Kagame ! […] On est en train de préparer le chaos », a-t-il martelé à la tribune.

Par contre l’ancien premier ministre congolais Adolphe Muzito, qui était aussi dans la salle, s’est vu offrir la parole. Muzito a su garder sa sérénité malgré le fait que les congolais soient tués atrocement à Beni. Lui qui autrefois préconisait la guerre contre le Rwanda, ne s’est pas versé dans un discours hostile au pays de Kagame.

Haine contre les tutsi ?

Il est un fait, il existe des tutsi au Congo, tout comme il existe des congolais au Rwanda. Eradiquer la présence du peuple tutsi dans l’armée congolaise relève des prérogatives des autorités congolaises. Le peuple congolais le décrie toujours surtout au regard des tueries attribuées aux groupes armés à l’Est, dont certains viennent des pays voisins.

Selon l’historien Isidore Ndaywel, qui était aussi présent à ce colloque, il ne s’agit pas de haine contre les tutsi car il s’est appesanti sur comment identifier et catégoriser, d’après « la science historique », les banyamulenge des autres tutsi.

Il faut retenir que chaque peuple possède son histoire. Et il est difficile de falsifier l’histoire d’une nation, c’est ce que pensent les ressortissants congolais au Cameroun, interrogés à l’issue de cette actualité. Ces derniers souhaitent voir la paix à l’Est et en Afrique des Grands Lacs.

© CongoForum – Arnaud Kabeya, 11.03.20

Image : Isidore Ndaywel
Source : Congo Indépendant

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