Coronavirus: il faut craindre au moins 75.000 morts à Kinshasa (dr. Antoine Samsoni)

KINSHASA – L’évolution de la contamination au covid-19 est préoccupante en RDC. L’INRB (Institut National de Recherche Biomédicale) dirigée par le Prof. Muyembe manque drastiquement de moyens, malgré l’aide financière accordée par la Banque Mondiale. C’est le Prof. Muyembe, qui vient à peine d’éradiquer le virus Ebola en RDC, et qui est de renommée mondiale, qui organise autant qu’il le peut la riposte nationale congolaise au covid-19.

L’INRB estime que parallèlement aux dizaines de cas qui ont déjà été testés positivement, ce sont aujourd’hui plus d’un millier de porteurs du virus qui circulent en permanence à Kinshasa, entassés à 5 dans de minuscules taxis ou à 25 dans des petites camionnettes-taxi pour se rendre à leur travail. Les nombreux marchés locaux sont également bondés, au point qu’on ne peut y circuler sans se bousculer pour y trouver passage. Selon toutes les statistiques officielles publiées dans le monde, ce nombre de porteurs du virus va au minimum doubler environ tous les deux jours, et le professeur Muyembe estime que le taux de mortalité des patients atteints du covid-19 atteindra 10%, soit davantage que le taux de mortalité malheureusement constaté en Italie actuellement.

Le gouvernement congolais a bien recommandé des mesures de confinement, en copié-collé des mesures de confinement sanitaire appliquées en Europe et partout dans le monde. L’épidémie en RDC en général et à Kinshasa en particulier sera fulgurante et meurtrière d’ici quelques semaines. Les experts sur place à Kinshasa s’accordent sur l’hypothèse probante d’un taux de contamination de 5% de la population, avec un taux de mortalité de 10%, ce qui laisse craindre 75.000 décès rien qu’à Kinshasa, avec tous les troubles sociaux et économiques et risques d’émeute et de pillages qui en découleraient.

Les solutions de confinement qui sont actuellement proposées en RDC ne fonctionneront malheureusement pas suffisamment. La majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté et a le réel besoin de circuler dans la ville durant la journée, ne fût-ce que pour rentrer le soir avec les quelques euros qui sont nécessaire pour nourrir sa famille au jour le jour. Aucun confinement ne pourra être appliqué économiquement, car cela reviendrait à condamner la plus grande partie de la population de Kinshasa à rester cloîtrée chez elle et mourir de faim, ce qui entraînerait des troubles que même l’armée congolaise n’arriverait pas à contrôler. Il en serait de même dans les autres villes importantes du Congo.

La coopération belge ENABEL a fait don à l’INRB dimanche dernier de 19.000 masques et 250 combinaisons isolantes. Quelques organisations médicales belges privées sont également sur place pour tenter d’assister autant que possible la riposte au covid-19 en RDC. De son côté, suite à l’annulation progressive et ensuite définitive de tous les vols Brussels Airlines entre Kinshasa et Bruxelles depuis le 16 mars dernier, l’ambassade de Belgique à Kinshasa répète inlassablement qu’elle attend les directives du ministère des affaires étrangères aux centaines de ressortissants et coopérants belges qui devaient rentrer à Bruxelles depuis plus d’une semaine.

Laisser ces centaines de Belges sans la moindre assistance autre qu’une invitation à consulter le site officiel de l’ambassade se résume en réalité à en condamner une partie à une mort certaine s’ils devaient être contaminés. Il n’y a aucune structure hospitalière à Kinshasa permettant de soigner les patients atteints du covid-19 et il n’y a encore aucun médicament disponible sur place permettant des soins palliatifs. Les patients atteints du coronavirus sont simplement isolés dans une chambre de l’Hôpital du Cinquantenaire à Kinshasa, sans recevoir le moindre soin, faute de moyens et de médicaments adéquats ainsi que pour éviter toute contagion avec le personnel hospitalier.

Il est intéressant de constater que durant la même période, le gouvernement français a déjà rapatrié plus de 60.000 de ses ressortissants depuis partout dans le monde.

Opinion par le Docteur Antoine Samsoni, à Kinshasa.

Source: La Libre Afrique, 25.03.20

Image – source: Mediacongo

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