Coronavirus : les congolais sont inquiets, des doutes sur les capacités des structures sanitaires (CongoForum)
KINSHASA – L’arrivée du coronavirus (Covid-19) en RDC inquiète la population congolaise, c’est clair. Les autorités viennent de prendre certaines mesures cette semaines. CongoForum a demandé à des citoyens congolais de commenter sur la situation actuelle.
Gaby est universitaire. Il vit et travaille à Kinshasa :
« Tout le monde a la peur d’être contaminé par le coronavirus. Je pense que le président Tshisekedi a bien agi en prenant des mesures pour combattre la propagation de ce virus. Nos structures de santé sont suffisamment fortes : si nous avons réussi à maîtriser le virus Ebola, pourquoi pas le coronavirus ? »
Byam est animateur et enseignant à Goma :
« Notre gouvernement ne doit pas oublier la situation des personnes vivant avec un handicap et des personnes du troisième âge. Les conditions de vie ne sont pas fameuses en RDC. Si l’on suspend des activités, les personnes citées risquent de mourir : en attrapant le coronavirus ou à cause de la carence alimentaire. Je salue respectueusement les décisions du chef de l’état. Mais il faut dire également que certains observateurs congolais soulignent la vie difficile des nombreux chômeurs dans le pays, et cela dans chacune de 26 provinces ! Comment survivre si l’on suspend les activités pendant plusieurs semaines ? »
Gabriel habite à Lubumbashi. Il est informaticien :
« Le coronavirus a provoqué un climat de panique dans la ville. Depuis l’annonce d’une série de mesures par le chef de l’état, les activités sont paralysées. Certains attendent que la Zambie va fermer ses frontières et qu’il y aura des ruptures de stocks ; beaucoup de marchandises sont importées de l’extérieur, notamment de la Zambie ».
« Je suis content que le président a pris des mesures mais je trouve aussi que nos autorités
ont attendu trop longtemps avant d’agir. On n’a pas bien sensibilisé la population ce qui explique une certaine psychose ».
« Je doute que nos structures médicales soient en mesure de combattre efficacement le coronavirus. Leurs problèmes sont plus graves que le virus ! Nos structures ne sont pas prêtes ou équipées pour maîtriser le virus ».
Alain étudie le développement rural à un institut à Bukavu :
« A Bukavu je constate toujours une certaine négligence, possiblement parce que la ville n’a pas encore de patients avec le coronavirus. Les habitants circulent toujours, les activités continuent à l’exception des écoles, des églises et des universités ».
« Les mesures prises par le président frappent certains. Selon certains concitoyens Félix Tshiskedi s’est laissé inspirer par des pays comme la Belgique ou la France. Mais pourquoi fermer les églises, les écoles et les universités sans toucher aux marchés ou aux transports en commun ? Globalement je crois que le président a bien fait en étant donné que le virus n’est pas encore partout en RDC ».
« Les marchés fonctionnent toujours, comme déjà dit. Très peu de gens ont des dépôts dans leurs maisons, aller au marché pour se ravitailler est inévitable. Je n’exclus pas que les commerçants vont rester chez eux dès que l’on signale des cas de coronavirus dans la ville. Que nous le voulions ou pas, le virus finira par atteindre aussi le Kivu ».
« Nos structures sanitaires ne sont pas en mesure d’affronter le défi du coronavirus. La main d’œuvre dans ces structures est moins forte en matière de santé. Nos hôpitaux manquent de matériaux. Je ne pense pas que ces structures soient prêtes pour bien combattre le virus. Sans oublier que nous n’avons pas assez d’argent pour ce combat ».
Espérant fait des études de médecine à Kindu :
« La population à Kindu est en mouvement. Certains essayent de se protéger, d’autres doutent encore de cette nouvelle maladie ».
« Je suis satisfait que le président a annoncé des mesures contre le coronavirus. Cela nous aidera à limiter la propagation de la maladie. Mais certains congolais ne sont pas contents des décisions prises. Notamment les églises de réveil continuent à douter de la maladie, ils prétendent que c’est une pandémie satanique et qu’il faut surtout beaucoup prier. Dans ces milieux on n’apprécie pas la fermeture des églises ».
« Si je m’interroge sur nos structures sanitaires, je crains fortement qu’il y aura pas mal de morts si le virus arrive jusqu’à Kindu. Dans ce cas il n’y aura pas une bonne prise en charge des patients. Les hôpitaux manquent de matériel, en plus ils n’ont pas assez de médecins. Ce combat contre le coronavirus sera une rude épreuve pour nos structures sanitaires ».
Albert, un gradué en Sciences politiques et administratives, donne ses impressions sur la ville de Mbuji-Mayi dans le contexte actuel:
« A Mbuji-Mayi un climat de peur s’est installé dans le chef de la population. L’état d’esprit des habitants rime avec les mesures de protection larguées par les instituts sanitaires. Selon moi, les mesures prises par le président Tshisekedi sont salutaires pour éviter la propagation du coronavirus. Mais la société congolaise n’était pas préparée à un tel scénario donc sur le plan social il se dessine un chaos ».
« Les structures sanitaires congolaises en général ne sauront pas faire face à ce virus car elles ne disposent pas des équipements nécessaires et efficaces susceptibles de combattre à fond cette maladie. Visiblement,elles ne sont pas prêtes pour ce combat. Mais il y a des exceptions à la règle. L’INRB (Institut national de recherches biomédicales) du dr. Jean-Jacques Muyembe, à Kinshasa, semble avoir des équipements plus ou moins appropriés ».
Fabien est avocat dans la ville portuaire de Matadi:
« Le climat est maussade à Matadi. Le message du président, sur les mesures contre le Coronavirus, a été bien reçu par la population. Il fallait prendre des mesures préventives pour parer au pire surtout que l’on est dans un pays sous-développé où les conditions sanitaires sont précaires. A l’étape actuelle, nos hôpitaux ne sont pas prêts à faire face au virus à cause du manque d’équipements et de l’insuffisance du personnel soignant ».
© CongoForum – Denis Bouwen, 21.03.20
Image – source : Digital Congo