Marches contre Ronsard Malonda : dans plusieurs villes de la RDC, les manifestants ont bravé l’interdiction en s’exposant au covid-19 (CongoForum)

KINSHASA – Malgré l’interdiction officielle des manifestations programmées pour des raisons liées à la pandémie de coronavirus, le peuple congolais était hier dans la rue dans plusieurs villes du pays pour dire non à l’entérinement de la candidature de Ronsard Malonda comme futur président de la Commission nationale électorale indépendante (CENI). A son tour le FCC de Joseph Kabila était aussi dans la rue pour soutenir les institutions. On regrette des morts d’hommes et quelques actes de vandalisme qui ont été enregistrés çà et là.

Ils étaient des milliers à manifester le jeudi 9 juillet 2020 dans les rues de plusieurs villes du pays, entre autres, à Kinshasa, Lubumbashi, Kasumbalesa, Kolwezi, Kamina, Kisangani, Mbuji-Mayi, Kananga, Matadi et ailleurs.

Kinshasa a été l’épicentre de toutes les manifestations organisées à travers la RDC. L’on parle provisoirement de trois morts et de blessés mais aussi de casses dont le siège de PPRD incendié dans la commune de Limete. La ville a connu en tête d’affiche deux composantes de la coalition au pouvoir, à savoir CACH-FCC. Le premier bloc guidé par l’UDPS manifestant contre la candidature de Ronsard Malonda, le deuxième manifestait en soutien aux institutions de la république.

Venu de partout à travers la ville, longeant les principales artères de la capitale congolaise afin d’atteindre le Palais du Peuple (le siège du Parlement), le premier bloc a été encadré par la police nationale congolaise (PNC). Cette dernière, dans un premier temps, a fait preuve de professionnalisme malgré la violation de l’interdiction de manifester lancée par les autorités.

Visiblement ce n’était plus l’affaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) mais plutôt une mobilisation généralisée. On pouvait remarquer outre aussi des membres du MLP de Franck Diongo et de la coalition Lamuka dans toutes leurs appartenances, notamment, l’Écidé de Martin Fayulu, les katumbistes et que sais-je encore ! A cette marée de mécontents, il y avait également les autres sans appartenance politique. Dans un élan unanime comme un seul homme, bravant la mesure de distanciation sociale, comme pour dire : « Nous préférons être infectés du coronavirus que de voir Ronsard Malonda diriger la Ceni ».

Une confrontation grave évitée et actes de vandalisme

Arrivés à la 6ème rue à Limete, un affrontement a été évité de justice devant le siège du Parti pour la reconstruction et pour la démocratie (PPRD) de Joseph Kabila. Là des manifestants étaient munis de machettes, tandis que d’autres hommes étaient postés sur les toitures. Ce qui a donné lieu aux actes de vandalisme. Le bureau a été saccagé et brûlé à l’aide de cocktails Molotov jusqu’à ce que la police vienne s’interposer. « Nous nous opposons à la décision du général Sylvano Kasongo de nous demander de laisser passer les militants de l’UDPS. Nous refusons catégoriquement », a déclaré un militant du PPRD à la presse présente sur le terrain.

Accrochage entre les manifestants et les militants de Pprd

Toujours dans la même zone, le siège du Parti travailliste de Steve Mbikayi a été également saccagé. Les manifestants, parmi lesquels certains badauds, ont réussi à emporter des biens matériels et des documentations avant de mettre le feu au bâtiment.

Une répression brutale et sanglante

A quelques mètres du siège de l’Assemblée nationale, un important dispositif de sécurité était disposé. Ainsi les manifestants ont été fortement réprimés par la PNC. Ils ont été poursuivis jusque dans leurs retranchements.

Vidéo amateur sur les manifestations

On parle de 3 morts dont un policier et de 19 policiers blessés par des projectiles des militants qui cherchaient à se défendre. Ce qui a poussé les dirigeants de l’UDPS a initier une motion de méfiance conte le ministre de l’Intérieur, Gilbert Kankonde, un des leurs.

Rendez-vous dans le Haut-Katanga et l’interdiction défiée ailleurs

A Lubumbashi, c’était le rendez-vous avec le confinement décrété par les autorités provinciales. Kasumbalesa, Likasi ainsi que la cité minière de Kipushi ont connu des manifestations.

Avec en tête de file l’UDPS et l’Unafec, les manifestants étaient nombreux à gagner les divers lieux de rassemblement. Ils sont descendus dans la rue pour dire non à l’entérinement de Ronsard Malonda à la tête de la CENI. Mais aussi pour désapprouver la chambre basse du parlement et enfin dire non au confinement de 3 jours décrété par le gouvernement provincial du Haut-Katanga.

Manifestation à Lubumbashi

Les jeunes manifestants venaient de tous les coins de la capitale cuprifère. Mais ceux qui se trouvaient sur la chaussée de Kasenga et des cimetières dans la commune de Kampemba, ont été dispersés par la police qui a fait usage de balles réelles pour dissuader les manifestants de passer par le tunnel et de rejoindre leurs camarades postés au centre-ville. Ainsi des coups de balles ont été entendus dans certains quartiers, notamment à Katuba et Kasapa.

Abordés à ce sujet, des manifestants se sont dits prêts à sacrifier leur vie plutôt que de laisser un groupe des politiciens prendre le pays en otage au détriment du bien-être de tous. Le bilan provisoire fait état d’une personne tuée et de sept autres blessées par balles.

Kolwezi a ressemblé au ‘Far West’

Kolwezi a vu tôt le matin, les jeunes de l’UDPS associés à ceux de l’Unafec. Bravant la peur et décidés à défier les éléments de la police placés sur l’avenue Okito en direction du marché central de Manika. Pendant leur cheminement, ils ont été stoppés par des militants du FCC. La ville s’est transformée en théâtre d’affrontement. On se croirait au « Far West ».  ‹‹ Nous avons cherché à marcher pacifiquement, mais les cadres du PPRD sont allés recruter des enfants dits de la rue, pour venir nous attaquer. Nous déplorons cet état de choses et demandons que le gouvernement provincial arrive à bien se comporter ››, explique Doudou Lobo, porte-parole de l’UDPS au Lualaba, qui a accepté de témoigner à la presse.

Pendant ce temps à Kamina, il régnait un climat particulier. Pas d’affrontement entre les manifestants et les éléments de la PNC. Ceux-ci ont encadré des dizaines de manifestants venant du quartier 52 et les ont conduits jusqu’au centre urbain à la tribune centrale, leur point de chute.

L’UNC a été aux côtés de son partenaire

Dans la province du Nord-Kivu, précisément à Butembo, où notre correspondant Roger Mulyata a assuré la couverture, la manifestation a été étouffée dans l’œuf. Partis de leur permanence, les militants de l’UDPS ont vu leur progression vers le centre-ville stoppée par les éléments de la police déjà déployés dans les coins chauds de la ville depuis le matin pour parer à toute éventualité. Quelques accrochages avec les agents de l’ordre ont été observés avant que certains des militants ne soient interpellés momentanément. 

Quant à ceux de l’UNC qui ont essayé de quitter le quartier Furu au Nord de la ville pour rejoindre leurs coalisés de l’UDPS, ils n’ont pas su dépasser le Rond-point SOFICOM où un dispositif  important de policier était déjà placé.

Par contre d’autres militants de l’UDPS ont su contourner la police jusqu’à atteindre le bureau de la CENI. Sur place ils ont tenté sans succès de déposer leur mémorandum à cause du fait que la police y était déjà déployée. Quatre d’entre eux ont été momentanément interpellés par les forces de l’ordre. Ce qui a poussé le porte-parole de l’UDPS Butembo à ne pas comprendre l’entêtement du FCC à vouloir imposer un homme qui pourrait faciliter la fraude électorale en 2023.

Accrochages à Kindu

Partis du rond-point du Cinquantenaire pour chuter au gouvernorat de la province de Maniema où une déclaration a été lue, les manifestants à Kindu ont été encadrés par la police.

Au retour, les combattants de l’UDPS ont été stoppés par les partisans du PPRD avec lesquels ils ont eu un accrochage. Ils se sont jeté des projectiles pendant un moment jusqu’à ce que la police vienne s’interposer.

Kisangani n’était pas en reste. Les rues du chef-lieu de la province de Tshopo ont vu les manifestants défier avec ardeur l’interdiction du gouvernement national arborant ainsi les drapeaux, drapelets aux emblèmes de l’UDPS. Mais aussi avec des banderoles et calicots anti-Malonda en mains. Scandant ainsi des chants contre celui qu’ils considèrent tous comme la tête pensante de de la tricherie au sein de la CENI, cette  institution d’appui à la démocratie. On pouvait y lire : « L’UDPS Fédération de Kisangani dit non à la désignation et l’entérinement de Ronsard Malonda comme président de la CENI ».

À la fin de la marche, un mémorandum adressé au président de la République a été lu au rond-point canon par le président l’UDPS Kisangani, Dely Likunde.

L’espace Kasaïen attisé

Dans l’espace kasaïen, plusieurs villes ont connu également cette ébullition. On a noté la répression à Kananga et à Tshikapa. Mais à Mbuji-Mayi, les manifestations ont été encadrées par la police nationale.

A Kananga, après deux jours successifs de sit-in, les éléments de la PNC ont empêché les militants de l’UDPS de quitter leur permanence pour se diriger au bureau de la CENI où ils avaient prévu une déclaration. Un affrontement s’est alors éclaté entre les deux composantes. La police faisant l’usage de gaz lacrymogène, les partisans de l’UDPS ont fait recours au projectile. Les forces de l’ordre ont finalement eu raison sur ces derniers.

Même son de cloche à Tshikapa et Appolo à la frontière d’Angola. Venus de partout, vraisemblablement des quartiers chauds de la colline de la Kele mais aussi d’ailleurs, les manifestants de l’UDPS rejoints par ceux d’autres partis, à l’instar du Mouvement de solidarité pour le changement (MSC), ont atteint le gouvernorat de la province.

Débordée, la police a recouru aux moyens mis à leur disposition pour mater la manifestation. Elle s’est ensuite déployée dans la commune de Kanzala, considérée comme brasier de cette revendication où l’on signale deux blessés parmi les manifestants et un cadre de l’UDPS interpellé.

Marche pacifique à Mbuji-Mayi

Par contre, la ville de Mbuji-Mayi a connu une marche pacifique. Ils étaient des milliers, les militants de l’UDPS associés à ceux du mouvement citoyen Lucha dans les rues de la capitale diamantifère. Ces derniers ont manifesté pacifiquement et sans incident signalé. Le memo exigeant les réformes élaboré par la Lucha a été déposé à l’Assemblée provinciale.

Toutefois il faut rappeler que quelques jours avant, le gouverneur de province Jean Maweja avait demandé à ceux qui voulaient manifester de le faire dans le calme. Il avait aussi demandé d’éviter les dérapages, avant de revenir sur sa décision la veille conformément à la décision de la hiérarchie.

Dans la ville portuaire de Matadi, en dépit des altercations avec la PNC, les manifestants de l’UDPS ainsi que d’autres ont gagné les rues serpentées de la ville aux paysages riches et escarpées. Dispersés dès leur rassemblement au quartier Mvuadu, à l’entrée de la ville (commune de Matadi), les manifestants n’ont pas lâché prise.

Déjouant la police, ils ont dû progresser par petits groupes jusqu’au lieu-dit « Rond-point 24-15 », cherchant à atteindre le gouvernorat de la province, leur point de chute. C’est au niveau de cette bifurcation où est installé le siège de la police provinciale qu’ils ont été de nouveau dispersés en utilisant le gaz lacrymogène.

Scenario similaire du côté de Kikwit, où la manifestion a été étouffée comme un embryon dans l’œuf sans aucune bouffée d’oxygène. Alors qu’ils étaient rassemblés devant la maison communale de Lukemi dans la ville de Kikwit pour commencer leur manifestation ignorant que les barrières avaient déjà été érigées par les forces de maintien de l’ordre.

© CongoForum – Apho Arnaud Kabeya, 10.07.20

(avec l’aide de notre journaliste à Butembo, Roger Mulyata)

Images de plusieurs manifestations – sources : Congo News, Actualité.cd, acturdc

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