Quand le cardinal Fridolin Ambongo s’exprime sans langue de bois et avec fermeté (CongoForum)

KINSHASA – Le cardinal Fridoling Ambongo n’avait pas sa langue dans sa poche le mardi 30 juin 2020 lors de son homélie prononcée le 30 juin 2020, à l’occasion d’une messe organisée à la Cathédrale Notre Dame du Congo à Kinshasa. Il s’en est pris à la classe politique et a appelé le peuple congolais à se tenir prêt pour barrer la route à une possible messe noire.

Celui que les chrétiens catholiques de Kinshasa appellent affectueusement « Tata Cardinal », comprenez papa cardinal, a dressé un bilan sévère de 60 ans d’indépendance en s’en prenant aux politiciens véreux. Oui il l’a dit tout haut !

L’archevêque métropolitain n’a rien laissé de ce que dirait tout citoyen congolais épris du vrai patriotisme. Il a, entre autres, dressé un bilan sévère de 60 ans d’indépendance, fustigé la scène politique, haussé le ton sur la magistrature et le processus électoral et appelé le peuple à se tenir prêt pour faire barrage aux manœuvres politiciennes pour maintenir le peuple dans l’asservissement.

Pour le cardinal Fridolin Ambongo, l’indépendance du Congo-Kinshasa était un mauvais départ. « L’événement que nous célébrons aujourd’hui est aussi, en partie, à la source de notre malheur d’aujourd’hui. Mais pour les Congolais de l’époque, rêver l’indépendance signifiait: occuper les postes des blancs, s’asseoir sur les sièges des blancs, jouir des avantages qui étaient réservés aux blancs et pas aux indigènes à l’époque. A l’indépendance, nous serions tous des chefs. Ainsi, l’exercice d’autorité a toujours été compris comme une occasion de jouissance, on accède au pouvoir non pas pour rendre service, mais pour jouir ».

Et le cardinal a continué sur le rêve brisé des congolais : « Le peuple continue à s’appauvrir au point d’être classé parmi les peuples les plus misérables de la terre ; l’inviolabilité de son territoire n’est pas garantie et la balkanisation du Congo demeure à l’ordre du jour ». Oui surtout avec la convoitise manifestée des pays voisins.  « La vérité est que le Congo a neuf voisins et que tous sont présents chez nous, soit par leurs armées – c’est la plupart des cas – soit par leurs immigrés. Nous savons que derrière les immigrés se cache la politique d’occupation de notre pays ».

Cependant en interne, les acteurs politiques se livrent aux querelles intestines pour satisfaire des désirs égoïstes au détriment du bien-être du peuple.

Main basse sur la magistrature et le système électoral

C’est pourquoi le Cardinal, sans ambages, a pointé du doigt les manœuvres aux destins chaotiques à l’Assemblée nationale. Pour lui, la Justice doit conserver son indépendance absolue. « Nous ne voulons pas d’une culture d’impunité pour les grands. On sanctionne les petits qui volent une poule, qui volent une chèvre, qui donnent un coup à quelqu’un. Ils peuvent se retrouver à Makala, la grande prison de Kinshasa. Mais pour les grands, c’est l’impunité totale. Sans l’indépendance de l’organe qui organise les élections et l’indépendance de la Justice, oubliez l’importance qu’on puisse accorder au peuple. ».

Mgr. Ambongo a déploré l’acharnement de la majorité parlementaire actuelle à faire main basse sur la Céni et la magistrature. « Ce sont des pratiques qu’on ne peut jamais tolérer parce que nous savons que de ces deux institutions dépend l’indépendance du peuple », a-t-il lancé, tout en mettant en garde les dirigeants politiques sur la fraude électorale. Il a dénoncé la nomination d’un personnage qu’il a appelé personnage, « le cerveau-moteur du système » qui serait en train de se préparer. « Nous n’en voulons pas ! », a-t-il tonné.

Le désamour entre les coalisés

L’éminent prélat de l’église catholique n’a pas ménagé la coalition FCC-CACH. Il n’est pas allé par quatre chemins pour dénoncer le désamour entre les coalisés.  « Cette coalition sait très bien comment elle a foulé aux pieds la volonté du peuple pour en arriver là. Mais le peuple a fini par se résigner et accepter ce fait accompli. Un peu comme dans le récit de Jacob qui avait volé la bénédiction destinée à son frère aîné Esaü, le peuple espérait que du mal originel pouvait sortir un bien. Mais au lieu de travailler ensemble autour d’un programme commun, les coalisés ont développé un rapport dangereux de rivalité qui risque d’entrainer tout le pays dans le chaos définitif. » Ayant « perdu sa raison d’être », cette coalition « devrait normalement disparaître ». « Aussi longtemps que cette coalition sera là, il n’y a rien à espérer de nos gouvernants. C’est inacceptable ».

Contrer la messe noire

Pour mgr. Ambongo les manœuvres politiciennes ressemblent à une messe noire. Il a profité de l’occasion de la messe célébrée pour l’indépendance, pour appeler le peuple congolais à se tenir prêt. « Je tiens ici à demander au peuple de se tenir en ordre de marche. Lorsque le moment viendra, lorsqu’ils obtiendront à faire passer ces lois et ce personnage à la tête de la CENI, il faudra qu’ils nous trouvent sur leur chemin. On ne peut pas continuer, après 60 ans de l’indépendance du pays, à gouverner par défi, par mépris du peuple, par mépris de l’Eglise Catholique et de l’Eglise Protestante. ».

Il ne pouvait en être autrement, pensent bon nombre de congolais.

A la fin de son homélie, le cardinal a récolté des applaudissements enthousiastes.

© CongoForum – Arnaud Kabeya, 02.07.20

Image : mgr. Fridolin Ambongo

Source : Diacenco

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