La kermesse mortuaire : cette pratique à la peau dure à Kinshasa (CongoForum)

KINSHASA – Avec les nouvelles mesures d’organisation des funérailles et des inhumations pendant la période de confinement et post confinement,  on  croyait définitivement rangée dans les placards de l’histoire, cette façon ostentatoire de pleurer les morts avec démesure et désinvolture, à grand renfort de publicité (calicot, invitation, uniforme) et de musique. Que non ! Les kinois ont simplement repensé leur kermesse. 

Si pendant la période critique de Covid-19  et du confinement, l’accent était mis sur les strictes  mesures de distanciation sociale et de limitation des regroupements avec, notamment, une interdiction formelle d’amener le corps dans une salle ou un lieu public, après le dé-confinement, la seule concession faite par l’autorité provinciale est un court transit  de la morgue au funérarium ou un lieu de culte vers le cimetière pour l’inhumation.  Plus question d’organiser des veillées avec le corps du défunt. Mais rien n’empêche aux kinois à se  réinventer. Décidément, il y a des habitudes qui ont la peau dure. 

Généralement, pendant toute la période allant de l’annonce de la nouvelle du décès jusqu’à l’enterrement, amis et connaissances affluent au domicile du défunt pour exprimer leur douleur d’avoir perdu un être cher et évoquer ses souvenirs. La nuit venue, on prie et on se déhanche démesurément en sa mémoire.

Pour contourner l’interdiction d’exposer le corps devant les proches et connaissances pendant la veillée de derniers hommages (la veille de la mise en terre), les kinois ne se privent pas de se retrouver dans une salle prise en location, salle dite VIP. Les salles de ce genre sont réputées pour leur confort, leur climatisation intégrale, avec un service de sonorisation et service traiteur et même un DJ aux ordres de la famille locataire.  

Même si le corps n’est pas présent, la dernière trouvaille des kinois, est de dresser une somptueuse chapelle ardente minutieusement décorée. Sur le catafalque, on installe la meilleure photo du défunt.

Au son d’une musique ronflante et rythmée par un DJ loué pour la circonstance, amis et connaissances ainsi que les femmes viennent se taper la poitrine, autour de la photo, pour exprimer leur douleur d’avoir perdu un être cher, évoquant leurs souvenirs en mémoire du disparu. Une scène arrosée par la boisson et des repas jusqu’au matin avant d’aller à la morgue pour la levée du corps et l’enterrement. Cela s’appelle « enterrer quelqu’un avec les honneurs » 

A Kinshasa,  le budget de cette kermesse mortuaire est estimé à environ 3 000 dollars, pour les foyers les plus modestes. Il comprend les soins et l’habillement du défunt, le cercueil, la tombe, les rafraîchissements et, éventuellement, le transport des personnes venues vous « assister ». 

Il peut s’élever jusqu’à 15.000 dollars, notamment si le corps doit être rapatrié au village ou enterré entre « Terre et Ciel », un cimetière VIP de Kinshasa.  Certaines salles dites VIP prennent déjà 7.000 dollars de location. Les mutualités et les solidarités jouent à plein, chaque famille se rendant « la politesse de la venue » à la veillée. Et dans les « grandes veillées », celles des personnalités, il faut marquer sa présence (se faire remarquer) et exprimer symboliquement sa solidarité.

© CongoForum, Jean-Claude Bimwala, 25.09.20

Image – source : Presse congolaise

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