Le chanteur Mack El Sambo : « Une musique engagée s’attaque aux comportements et non aux individus » (CongoForum)

GOMA – Mack El Sambo est l’un des talents musicaux que l’on retrouve à Goma au Nord-Kivu. Plusieurs artistes y contribuent à la luttre contre les anti-valeurs et pour la paix et la bonne gouvernance. Machozi Kataka Lusambo, connu sous le nom de Mack El Sambo, parle avec la rédaction de CongoForum sur son engagement dans la musique. Il est né dans une région qui a connu pas mal de conflits.

Mack El Sambo est originaire de la province du Nord-Kivu. Il est né le 27 janvier 1970 à Kiwanja, une cité située à plus ou moins 75 km d Goma. Mack est un musicien qui s’engage pour l’humanité depuis 25 ans. Il a fait plusieurs singles et quatre albums parmi lesquels ‘Sikujuaka’, ‘Pacification’, ‘Plus jamais par les armes’ et ‘Motion de censure’. Son cinquième album est en chantier.

« Je sais sensibiliser et conscientiser »

CongoForum : Mack El Sambo, quand vous vous êtes lancé dans la musique, et avec quel objectif ?

Mack El Sambo : « J’ai sérieusement commencé dans la musique en 1995 quand j’ai sorti mon premier album Sikujuaka. Cet album était inspiré par tout ce qui se passait dans notre région : le génocide au Rwanda (1994), la guerre entre ethnies au Burundi après l’assassinat de Melchior Ndadaye, les guerre entre ethnies au Nord-Kivu. Moi je voulais apporter un message d’amour pour lutter contre toutes ces violences et inviter les gens à la culture de la paix ».

« Avec ma musique je ne sais pas contraindre les gens à déposer les armes ou à abandonner la voie de la violence ! Mais par contre je sais sensibiliser et conscientiser en montrant dans mes chansons le bienfondé d’une vie sans violences et sans discriminations. Ma musique fait bouger plus les méninges que le corps. La violence provoque la violence, on ne peut pas éteindre le feu par un autre feu ».

« Nos dirigeants doivent être exemplaires »

CongoForum : Comment votre musique arrive-t-elle à contribuer à l’édification de la paix ?

Mack El Sambo : « Une musique engagée comme la mienne s’attaque aux comportements et non aux individus. Je m’attaque aux anti-valeurs d’où qu’elles viennent, même si elles viennent des hauts dirigeants de mon pays. Nos dirigeants doivent être exemplaires, pas seulement dans leurs discours mais également dans leurs actes. Je n’accepte pas que certains dirigeants africains se sont installés dans un système de royauté, en tripatouillant la Constitution de leur pays. Une Constitution doit être respectée par tout le monde. On ne peut pas violer les droits ou la souveraineté d’un peuple ».

CongoForum : Souvent des artistes engagés s’attaquent aux dirigeants dans leur pays. Quelle est votre approche ?

Mack El Sambo : « Depuis le début de ma carrière musicale, il y 25 ans, je n’ai pas cessé de me battre pour que la vie de la population change. En RDC Félix Tshisekedi a pu accéder au pouvoir, un tournant décisif. La population congolaise vit avec beaucoup d’attentes. Un artiste comme moi montre aux gens comment revendiquer et exiger à la classe dirigeante plus de sécurité, surtout à l’est du pays où trop de gens crèvent dans des camps de déplacés et de réfugiés, après avoir abandonné tout derrière eux. Plusieurs groupes armés sont maintenus par des multinationales. Malheureusement ces groupes armés recrutent même nos enfants ! Il faut mettre les criminels en prison au lieu de les intégrer dans nos institutions ou dans nos forces de sécurité, il ne faut pas les récompenser. Le Congo doit se réveiller et développer un impact positif sur toute la région. Dans mon nouvel album, qui va bientôt sortir, vous trouverez pas mal de messages révolutionnaires ».

Pas de vraie industrie musicale

CongoForum : Assez d’observateurs constatent que cela n’avance pas trop en RDC. Comment faites vous pour lancer un message pour un changement positif dans notre pays ?

Mack El Sambo : « Evidemment il y a des difficultés mais nous essayons de survivre comme artistes sans abandonner la lutter pour une existence meilleure. Il est vrai que Goma est loin de la capitale Kinshasa où les artistes ont plus d’opportunités. Parfois c’est difficile de diffuser nos œuvres musicales, étant donné que le pays n’a pas une vraie industrie musicale. Nous essayons de nous démener et de nous battre avec nos maigres moyens. Vivant dans une région où le population n’a pas assez de sécurité, ce n’est pas facile de vendre nos œuvres. C’est difficile pour les gens d’assister à des concerts qui sont payants. A Goma nous avons bien des petits studios d’enregistrement qui nous aident, mais nous n’avons pas de grands studios ».

« Il faut privilégier l’intérêt commun »

CongoForum : Pouvez-vous nous dire plus sur les difficultés que vous traversez ? Et avez-vous une message pour vos fans partout dans le monde ?

Mack El Sambo : « J’aimerais d’abord inviter nos autorités à privilégier l’intérêt commun et pas tellement les intérêts de leurs partis ou coalitions politiques. Elles doivent respecter les lois du pays et redonner le sourire longtemps perdu au peuple congolais. Les autorités doivent lutter contre l’impunité, la corruption, le gangstérisme politique et mettre la population au centre de leurs préoccupations ».

« A la communauté internationale je demande d’utiliser les voies légales pour avoir accès à nos minérais au lieu de passer par des groupes armés ou par nos pays voisins qui tuent et violent sans pitié et impunément. En plus je souhaite que des grands festivals musicaux à travers le monde fassent appel à notre expérience dans une région en perpétuel conflit. N’oublions pas d’ailleurs que je fais aussi le reggae ».

© CongoForum – Paulin Munyagala, 21.09.20

Image : Mack El Sambo 

Source : CongoForum / presse congolaise

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