Nord-Kivu: le départ de la Monusco serait-il une solution pour la restauration de la paix en RDC? (CongoForum)

GOMA – Depuis la semaine dernière il s’observe une vive tension dans des villes à l’Est de la RDC comme Goma, Butembo, Uvira et Beni, et cela suit aux manifestations organisées par des mouvements citoyens exigeant le départ de la mission onusienne  qui vient de réaliser 22 ans sur le territoire congolais; selon les critiques cette mission, la Monusco, n’a pas eu un vrai succès.

Les manifestations ont mené à des pillages dans plusieurs bases de la Monusco et à d’énormes dégâts humains et matériels. Plus ou moins 27 manifestants sont morts. A Butembo trois casques bleus ont perdu la vie.

Le président Félix Tshisekedi a instruit le gouvernement de diligenter une réunion avec la mission onusienne pour réévaluer son plan de retrait. À l’issue de la réunion de crise consécutive aux manifestations contre la Monusco et aux incidents tragiques survenus au poste frontalier de Kasindi un communiqué officiel du gouvernement a donné des chiffres: « Dans son rapport, la commission spéciale conduite par le VPM de l’Intérieur a donné un bilan humain de 36 morts répartis comme suit : 13 morts à Goma, 13 morts à Butembo dont 4 casques bleus, 4 morts à Uvira, 3 morts à Kanyabayonga et 3 morts à Kasindi », a rapporté le porte-parole du gouvernement.

“Un échec cuisant”

Que disent les citoyens congolais sur la situation actuelle ?

Un journaliste dans la ville de Goma, qui préfère rester anonyme, nous confie ceci : « Il est vrai que les limites dans l’éradication des forces négatives par la mission de l’ONU en RDC sont probantes. La restauration de la paix a été un échec cuisant pour une mission surévaluée en terme de financement. J’en déduis donc que le retrait des troupes des soldats de la paix ne doit plus être sollicité mais exigé souverainement. »

« Ma crainte cependant c’est que les acteurs politiques en profitent pour en tirer des dividendes. Nous sommes conscients tous de l’apport considérable qu’apporte la Monusco au processus electoral, notamment dans l’itinérance des kits électoraux dans les zones les plus reculées en RDC. Son appui logistique aux FARDC également est à souligner. Il faut craindre que le retrait immédiat de la Monusco soit un alibi des dérives politiques qui s’en suivront (glissement du mandat, résurgence de la guerre, violations des droits humains etc) ou que le retrait de la Monusco soit un prétexte de l’instauration d’un régime totalitaire comme les signaux sont perceptibles aujourd’hui. »

“Donc je pense que le retrait de la Monusco devrait suivre son plan conformément aux conventions existantes entre l’ONU et le gouvernement congolais de manière à permettre aux institutions de prendre la relève des charges censées être siennes mais qui ont été durant toutes ces années couvertes par la Monusco. Durant cette transition entre le départ progressif et son effectivité, il va donc falloir équiper les forces de sécurité congolaises, se rassurer d’un financement exclusivement congolais sans dépendance logistique aucune du processus électoral avant de se donner le luxe de chasser la Monusco du sol congolais avant 2023. Mais pendant son court séjour en RDC la Monusco doit passer d’une mission d’observation en une mission d’intervention. Son principe de neutralité dans les conflits armés congolais doit être banni, voilà en résumé ce que j’en pense . »

Certains observateurs craignent que le départ de la Monusco va encore empirer la sitation à l’Est. Pour Jedidia Mabela, jeune activiste et défenseurs de droits humains à Kisangani, le départ de la Monusco ne constitue certes pas une panacée à la situation sécuritaire précaire si pas délétère qui prévaut depuis pratiquement deux décennies maintenant dans l’Est de la  RDC, mais il constitue une bifurcation positive voir un début de solution dans la résolution de cette crise sécuritaire. « Car, ce départ de l’ONU coupera court à l’illusion et au faux espoir fondé sur son intervention dont le bilan (20 ans après) se révèle largement négatif.”

« Complot international »

Selon M. Mabela le départ de la Monusco du sol congolais permettrait de ‘lever la voile qui entoure le complot international tendant à maintenir la région de l’Est dans le chaos afin de maintenir la main sur nos richesses et perpétrer le trafic frauduleux de nos minerais’.  “Aussi, l’on pourrait définitivement lever les soupçons autour de la source exacte de ravitaillement de certains groupes armés en munitions et en vivres quand on sait que dans l’opinion certaines sources attribuent cela tantôt aux forces de l’ONU tantôt aux officiels militaires des FARDC.”

“Si la Monusco part, ça va responsabiliser davantage le gouvernement congolais qui se rendra finalement compte que la défense de l’intégrité et de la souveraineté nationale ainsi que la protection des populations sont avant tout son obligation régalienne, son devoir sacré.”

Plan de défense post Monusco

Jedidia Mabela estime que l’état congolais se doit d’élaborer et de mettre en place un plan de défense post Monusco qui doit inclure la réforme de l’armée, notamment par la formation, l’équipement et l’amélioration des traitements des militaires. « Il devra mettre en place un fonds spécial pour primer les militaires qui seront sur la première ligne de front, procéder au relèvement des troupes et la permutation des hauts officiers militaires pour mettre fin à la tendance affairiste qui caractérise la plupart de nos généraux et aussi extirper de notre armée tous les officiers dérivant du brassage et ceux qui sont mêlés aux crimes de sang, crimes économiques et violations des droits de l’homme. »

Notons que déjà le gouvernement congolais a demandé officiellement le départ de Mathias Gilmann, porte-parole de la Monusco. Christophe Lutundula Apala, vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères, a écrit officiellement à la mission onusienne. Dans sa correspondance, le chef de la diplomatie congolaise considère que les tensions actuelles entre la Monusco et seraient dues « aux déclarations indélicates et inopportunes du porte-parole de la Monusco (…). Le gouvernement considère que la présence de ce fonctionnaire sur le territoire national n’est pas de nature à favoriser un climat de confiance mutuelle et de sérénité si indispensable entre les institutions congolaises et la Monusco en vue, non seulement du meilleur accomplissement du mandat confié à cette dernière par le Conseil de sécurité des Nations unies, mais aussi de faire aboutir le plan de transition aux fin de son retrait définitif de la RDC, d’ici à l’horizon 2024, comme convenu ».

© CongoForum – redaction, 03.08.22

Image – source: CongoForum / Paulin Munyagala

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